Mon ami Robert Masson vient de s’éteindre après une vie consacrée à
l’enseignement de la naturopathie et à soulager les souffrances de ses
patients et j’aimerais lui rendre hommage, lui qui m’a tant appris.
A la fin de mes études de médecine, au milieu des années 80, j’ai
renoncé à une carrière hospitalière et décidé de devenir médecin
généraliste. Comme j’étais déjà sensibilisé aux médecines naturelles (et
soigné depuis quelques années par un médecin homéopathe),
j’ai ressenti le besoin de compléter ma formation pour mieux soigner
mes futurs patients.
J’ai intégré un enseignement d’homéopathie, mais je ne trouvais pas
ça suffisant, notamment sur le plan de la nutrition. J’ai, un peu par
hasard, rencontré la responsable d’un grand magasin de diététique (à
l’époque ils n’étaient pas aussi nombreux qu’aujourd’hui),
Madame Parillaud qui m’a immédiatement conseillé la formation de Robert
MASSON.
C’est ainsi que je me suis inscrit en 1ère année des cours de naturopathie de Robert Masson.
Sur une quarantaine d’élèves, nous n’étions que 3 médecins, ce qui
ne m’a pas vraiment surpris. Et pour tout dire, en 2è et dernière année,
j’étais le seul à poursuivre.
Je ne savais pas vraiment à quoi m’attendre en faisant cette
formation et 2 choses m’ont immédiatement frappées. D’abord, Robert ne
rejetait pas du tout la médecine officielle et cherchait à créer des
ponts entre l’allopathie et la naturopathie.
Surtout, il avait des connaissances en physiologies bien meilleures
que les miennes, alors que je sortais d’une des plus prestigieuses
facultés de médecine de Paris et que lui était pratiquement
autodidacte.
J’ai ainsi ré-appris avec Robert Masson tout le fonctionnement du
tube digestif, mais avec une vision beaucoup plus globale et pour tout
dire bien plus passionnante que celle de mes cours de
gastro-entérologie.
Il était aussi le premier à critiquer des théories « naturo »
fumeuses et les excès des modes alimentaires comme le fructivorisme ou
l’instinctothérapie.
C’est évidemment dans ce domaine de la nutrition que j’ai découvert
des choses essentielles qui me servent encore aujourd’hui dans mon
quotidien de médecin.
En faculté de médecine l’enseignement de diététique était réduit à
sa plus simple expression. On nous avait tout appris du métabolisme de
la vitamine E, mais quant à expliquer à un patient comment bien manger,
je n’en avais à peu près aucune idée si ce
n’est les règles de bon sens que ma mère m’avait inculquées !
Robert était un enseignant passionnant, car passionné. Il entrait
presque en transe quand il parlait en public avec ses yeux mi-clos lui
permettant d’accéder à toutes ses connaissances et nous les transmettre
avec moult exemples cliniques.
Car il était aussi et avant tout un grand naturopathe, dont le
cabinet de soins ne désemplissait pas. A la fin des années 1980, sa
réputation était nationale, ce qui lui avait permis d’obtenir un poste
d’enseignant à la faculté de médecine de Bobigny,
dans le cadre de l’enseignement de la naturopathie.
Et en 1990 Robert Masson reçoit le Prix International de l’Académie
Diplomatique de la Paix au Mérite des Médecines Naturelles, qui salue
la qualité de ses travaux et de son enseignement.
J’ai ainsi découvert avec Robert ce qu’il avait appelé
l’eutynotrophie ou l’art de bien manger pour une bonne croissance et une
bonne santé. C’est aussi le titre d’un de ces livres les plus célèbres
(car il en a écrit de nombreux !)
Seuls l’âge et la fatigue ont interrompu plus de 60 ans de
recherches et d’écriture. Il a publié des dizaines de livres dont le
dernier en 2018, moins d’un an avant son décès.
Lire un livre de Robert Masson n’est jamais une perte de temps. On y
apprend toujours quelque chose sur l’alimentation, mais aussi le
fonctionnement du corps humain et les meilleures façons naturelles de se
soigner.
Car l’enseignement de Robert Masson ne s’arrêtait pas à
l’alimentation. C’est lui qui m’a initié à la phytothérapie et à
l’aromathérapie. Sans être un grand homéopathe, il maitrisait bien cette
thérapeutique. Et il connaissait parfaitement les compléments
alimentaires qui sont le sujet de son dernier livre.
Comme tous les grands naturopathes sa vision était globale,
naturelle et « hygiéniste » dans la plus belle définition de ce terme :
apprendre à mieux vivre en symbiose avec la nature et avant tout
appliquer le principe du « primum non nocere ».
Nous sommes devenus proches très rapidement et à la fin des 2 ans
de formation il m’a proposé d’enseigner à ses côtés. En tant que
médecin, je donnais à ses élèves des cours d’anatomie et de physiologie
puis des bases de diététique pour qu’ils aient tous
un bon niveau scientifique et puissent mieux profiter des cours du
Maitre.
Cette collaboration a duré une bonne dizaine d’années et a été
l’occasion d’échanges passionnants et passionnés entre nous. Puis je
suis parti m’installer dans le Sud-Ouest et le hasard (qui n’existe pas)
a fait que lui aussi est venu poser ses valises
dans cette belle région. Nous avons donc pu continuer à nous voir et à
partager notre passion du métier de soignant et échanger sur tous les
progrès de la science et de la médecine dans tous ses aspects, du plus
chimique au plus naturel.
Mon Cher Robert, tu vas manquer à tes enfants et à tes amis comme
tu me manques déjà. Mais ton héritage est universel et immatériel et
nous survivra à tous ! Tu as marqué ton temps et notre métier de
soignant. Je souhaite que ton savoir et ton enseignement
se perpétuent, car au-delà des progrès de la science, ils restent
toujours d’actualité, toujours essentiels pour vivre mieux en bonne
santé.
Repose en Paix, tu l’as bien mérité
Dr Eric Ménat
